Faire ville : des problèmes communs, des solutions à adapter

” À écouter, tout autour de la planète, les sujets de préoccupation des urbanistes, il s’en dégage une surprenante proximité : ici comme ailleurs, il est question de l’habitat, de ses formes et de ses conséquences sur les milieux. Il est question des mobilités, de leur organisation et de leurs impacts sur le climat ; il est question enfin des conditions de réalisation des villes et du dialogue plus que jamais indispensable entre toutes les parties prenantes…

Quand les élus de la région de Québec expriment leur volonté de freiner l’étalement urbain, ils mettent en débat une des formes les plus ordinaires de construction de la ville quand elle se déploie de plus en plus, sans fin, sur des terres agricoles ou des espaces naturels [Les élus de la région de Québec veulent freiner l’étalement urbain]. Or, cette extension produit aujourd’hui des difficultés de plusieurs ordres. Elle menace les espaces végétalisés qui sont bien utiles pour contrer les conséquences des changements climatiques et elle augmente les coûts généraux d’organisation et de fonctionnement (éparpillement des commerces et des services, augmentation des déplacements, aujourd’hui largement réalisés grâce à l’utilisation d’énergie fossile).

Sur un autre continent, à Dakar, se tient la semaine de la mobilité durable et du climat [Dakar : Semaine de la Mobilité Durable et du Climat 2022]. L’édition 2022 en appelle à la fois à une mobilité durable et à une transition juste, tout particulièrement en raison des inégalités d’accès qui sont constatées aujourd’hui sur le continent. Elle est aussi l’occasion de souligner qu’on ne saurait améliorer le sort des villes et des personnes qui y résident si aucune prévision, aucune planification, notamment pour produire des infrastructures destinées à améliorer les conditions de vie ne peuvent s’envisager.

Or, une planification réclame connaissance aiguisée des territoires, maîtrise des contextes et enjeux, mais surtout écoute de l’ensemble des parties prenantes. Ce constat a conduit le Maroc à engager un dialogue national de l’urbanisme et de l’habitat qui doit permettre à tous les professionnels de se rencontrer et d’échanger, mais aussi qui doit mobiliser davantage des habitants de plus en plus désireux de maîtriser les conditions de changement de leur cadre de vie quotidien.[Maroc : coup d’envoi du dialogue national de l’urbanisme et de l’habitat]

On le voit donc, il serait dangereux de ne pas se souvenir que les questions communes, les contextes et les capacités d’adaptation ne sont pas uniformes, ce qui conduit à rappeler que les villes ne sont pas assimilables à des machines que l’on peut améliorer et réparer. Elles consacrent une large place au vivant, depuis la présence, spontanée ou organisée, de nature jusqu’à la vie quotidienne des habitants et l’activité des entreprises… C’est pourquoi toutes les approches, strictement fonctionnalistes, délivrant seulement des recommandations techniques ne peuvent apparaître que comme un réductionnisme…

Pour les compléter, il faut pouvoir raisonner en écosystème et apprendre à gérer l’incertitude, le risque et la complexité. C’est pourquoi les urbanistes, les ingénieurs et les architectes doivent désormais intégrer la société civile à leurs réflexions et la mobiliser dans les prises de décision. Ce changement de comportement est d’autant plus utile lorsqu’il s’agit de comprendre les comportements quotidiens et les stratégiques d’adaptation des habitants face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

Mais dès en amont, ce sont les acteurs publics, en particulier les autorités locales et leurs services qui ont la capacité à mieux se saisir des préoccupations de la population, que ce soit pour définir leur politique que pour l’exprimer au travers de documents de planification et de stratégie.

Un site de dialogue sur l’urbanisme pour les mondes francophones. Tel est l’objectif du site créé par l’AIMF en collaboration avec le réseau APERAU et l’Institut de Géoarchitecture. Ce site a pour vocation d’aborder les nouveaux objets de l’urbanisme et de présenter expérimentation et débats dans tout l’espace francophone : ainsi, le thème de la prochaine saison de table ronde est-il consacré à la ville décarbonée, pour en mesurer la pertinence au-delà des intentions”.

Lionel PRIGENT, Urbaniste et Économiste, Professeur à l’Université de Bretagne Occidentale, Directeur du Laboratoire de Géoarchitecture

Tous les 15 du mois,
retrouvez la tribune de Lionel Prigent
qui apporte une réflexion
sur les actualités Urbanisme en Francophonie.

 

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