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Bordeaux : une maison des livreurs ouvre ses portes aux coursiers à vélo

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Ouverte fin janvier, la nouvelle Maison des livreurs à vélo de Bordeaux rassemble les autorités locales et la société civile. Alors que la précarité de ces travailleurs est criante, ce lieu solidaire dédié au soin et au soutien administratif est accueilli avec soulagement.

 

Changer le modèle économique, le regard, et la loi

Tout commence par un constat : entre les heures de repas, les livreurs à vélo se regroupent en attendant le prochain coup de feu. Ce qu’ils appellent le « shift » (temps de latence entre deux services) est une réelle difficulté quotidienne, car la plupart des 6000 livreurs de l’agglomération bordelaise vivent loin du centre-ville et souvent dans des conditions très précaires. Il leur fallait un lieu pour mettre pied à terre : « C’était un besoin très important pour les livreurs bordelais, pour la ville aussi, même si ça dénote d’une précarité sociale avec l’ubérisation des travailleurs » explique Harmonie Lecerf, Adjointe au maire chargée de l’accès aux droits, des solidarités et des seniors.

 

« Un lieu où on pourra enfin être visibles », voilà le poids symbolique conféré à la toute nouvelle Maison des livreurs, un projet co-financé par la Ville de Bordeaux et Bordeaux Métropole dédié aux travailleurs des plateformes de livraison de repas.

Pour Stéphane Pfeiffer, Responsable de l’urbanisme à la ville de Bordeaux, qui a mis à disposition ce local et appuyé le projet, l’important est de sensibiliser les gens à la précarité de ces emplois tout en envisageant de mieux réglementer la profession : « Moi ça fait très longtemps que je suis la question des livreurs a vélo. C’est un vrai symptôme de la transformation du travail. L’objectif est que la Maison des livreurs soit là pour faire connaitre le statut de ces livreurs. La réalité des conditions de vie de ces livreurs au grand public ».

La ville pourrait organiser des permanences du Centre communal d’action sociale (CCAS) au sein du lieu, et l’adjoint revient à cette priorité de l’emploi : « Ce que j’aimerai, c’est que la mission locale puisse aller travailler avec eux pour l’accompagnement vers l’emploi. L’objectif va être qu’ils puissent faire autre chose de leur vie, mais par choix. Il y a une part importante qui n’a pas de papiers. »

Mais il y a aussi la question du politique. L’adjoint nous parle d’une rencontre avec la Première Ministre, alors encore Ministre du Travail à ce moment là : « On avait évoqué avec Elisabeth Borne la question des livreurs, est ce que le gouvernement va transformer l’essai ? », s’interroge-t-il en évoquant la Loi Darmanin. 

 

Un accueil global

Située en plein centre-ville, cette nouvelle structure va désormais pouvoir accueillir les livreurs à vélos qui sillonnent quotidiennement la ville pour livrer des repas. Une halte officielle pour se reposer et être aidés dans leurs démarches. A quelques centaines de mètres de la gare Saint-Jean, ce deuxième lieu en France (avec Paris) accueillent les auto-entrepreneurs œuvrant pour Uber, Deliveroo et autres plateformes de livraison. La ville de Bordeaux prête cet espace situé au 14 rue du Fort Louis, et permet ainsi aux livreurs de repas à vélo d’avoir un lieu entre les courses du déjeuner et du dîner, où ils peuvent se reposer et échanger afin d’éviter de rentrer chez eux, loin de leurs zones de livraison.

Au delà d’un bon café et d’un lieu de repos et de convivialité pour palier l’individualité de la profession, le lieu se veut un endroit utile aux livreurs. Un accompagnement médical va être mis en place avec une équipe de bénévoles, médecins, kiné et infirmiers. Les livreurs pourront aussi bénéficier d’un appui pour traiter leurs documents administratifs et notamment leur titre de séjour, grâce à l’appui de la CIMADE. Enfin, pour le côté pratique, un atelier de réparation pour les vélos est installé dans le local.

 

Une initiative rodée à Paris 

Coopcycle, une fédération de coopérative de livreurs à vélo, est à la base du projet et est déjà à l’initiative de la création de la « Maison des coursier », ouverte en septembre 2021 à Paris. Une vingtaine de livreurs se présentent chaque jour pour ces démarches administratives : 700 ont visité le lieu depuis son ouverture. A Bordeaux, ce lieu est aussi géré par Coopcycle, qui sera aux manettes pour nommer un coordinateur et  organiser tous les ateliers et le planning des prestataires.

Circé Liénart, responsable de Coopcycle et forte de son expérience, a aidé à monter le dossier bordelais et peut déjà dresser un premier bilan de l’activité parisienne : »Concrètement, c’est l’aide administrative qui est le plus sollicitée. Le statut d’auto-entrepreneur n’étant pas courant, déclarer ses revenus à la CAF et aux impôts est quelque chose de difficile, et les préfectures ne reconnaissent pas les factures comme preuves d’un travail effectué« .

 

Focus sur les conditions de travail des livreurs

Les livreurs à vélo sont des travailleurs précaires. 80% d’entre eux gagnent moins que le SMIC et sont souvent en grande souffrance physique et psychique. En plus de leur mettre à disposition une cuisine, des canapés, des sanitaires etc, ils pourront bénéficier d’une expertise juridique et d’une permanence médicale proposées respectivement par le barreau de Bordeaux et Médecins du monde.

Médecins du Monde qui se penche sur cette activité a établi un diagnostic alarmant : sur les 6000 livreurs qui travaillent sur l’agglomération (un chiffre qui a été multiplié par 25 entre 2017 et 2021), la majorité réside  dans un habitat précaire. 40% d’entre eux travaillent plus de 10 heures par jour et 75% pendant 6 jours par semaine.

Les conséquences de ce rythme infernal, répertoriées par Médecins du Monde, sont multiples sur leur santé :

  • Physique : les 2/3 se plaignent de douleurs récurrentes et 63% déclarent avoir déjà eu un accident qui a du nécessiter une prise en charge. « Un nombre important de livreurs a des accidents de la route avec de lourdes répercussions sur la santé », nous raconte Morgan Garcia, Responsable de la Mission auprès de Médecins du monde. Car «  ls n’ont pas d’autres choix que de se rendre aux urgences parce que soit ils ne sont pas déclarés, soit parce que les ressources qu’ils déclarent ne sont pas prises en compte. Beaucoup de personnes sont sans couverture maladie ».
  • Psychologique : « On a noté une importante souffrance psycho sociale. Ils sont toujours sur la course suivante et dans l’impossibilité de se projeter » , nous explique Morgan Garcia, « même la nuit ils pensent à leurs courses » et « ce sont des métiers qui individualisent beaucoup, qui isolent. Il y a très peu de lien et beaucoup de stress », reprend-t-il. 

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